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marchés, les maisons, la terre, la mer et l’univers entier ne se rempliraient-ils pas de meurtres et de forfaits ? Cela est évident pour chacun. Si les mauvaises intentions sont difficilement contenues, même en présence de la loi, de la crainte et des menaces, qu’est-ce qui empêcherait les hommes de perpétrer le mal si cet obstacle était supprimé ? Quelles ne seraient pas les calamités qui affligeraient la vie humaine ? Non seulement, c’est une cruauté de laisser les méchants à leur œuvre, mais encore de laisser souffrir innocemment sans défense un homme qui n’aurait pas commis la moindre injustice. Dis-moi, peut-on concevoir quelque chose de plus inhumain qu’un homme qui, ayant réuni de toutes parts des hommes méchants et les ayant armés de glaives, leur aurait ordonné de parcourir la ville en massacrant tous ceux qu’ils rencontreraient ? Au contraire, si un autre homme, employant la force, avait lié ces brigands et les avait jetés en prison, sauvant ainsi des mains de ces forcenés tous ceux que menaçait la mort ; peut-on concevoir quelque chose de plus humain ? »

Jean Chrysostome ne dit pas quelle sera la mesure de cet autre homme dans la définition du méchant. Et si cet autre était lui-même méchant et allait jeter en prison les bons ?

« Maintenant, appliquez ces exemples à la loi : Celui qui commande d’arracher « œil pour œil, » impose cette menace comme de fortes entraves aux âmes des vicieux, et ressemble à l’homme qui a lié ces méchants armés de glaives ; celui, par contre, qui n’aurait décrété aucun châtiment aux criminels les aurait armés d’audace et serait semblable à l’homme qui distribue