Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/7

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ce que j’ai compris maintenant et ce que je veux dire à tous.

Le larron en croix crut en Christ et fut sauvé. Si le larron, au lieu d’être mort sur la croix, en fût descendu et eût raconté aux hommes comment il crut au Christ, n’en serait-il pas résulté pour tous un bien immense ?

Comme le larron en croix, je crus à la doctrine de Jésus et cette foi me sauva. Ce n’est pas une vaine comparaison, c’est l’expression fidèle de l’état de mon âme, jadis remplie de désespoir et d’épouvante devant la vie et la mort, maintenant pleine de calme et de bonheur.

Comme le larron, je savais que ma vie passée et présente était vile ; je voyais que la majorité des hommes autour de moi vivaient mal. Je savais, comme le larron, que je suis malheureux et que je souffre, que tous les hommes autour de moi souffrent et se sentent malheureux, et je ne voyais devant moi que la mort qui pouvait me sauver de cet état. Comme le larron cloué à sa croix, j’étais cloué à cette vie de souffrance et de maux par une force inconnue. Et comme le larron voyait venir les horribles ténèbres de la mort après les souffrances et les maux d’une vie insensée, je voyais se dérouler devant moi la même perspective.

En tout cela je me sentais semblable au larron ; il y avait pourtant une différence dans notre situation ; il allait mourir, et moi je vivais encore. Le larron mourant pensait trouver peut-être son salut au delà de la tombe, tandis que j’avais devant moi la vie réelle et son mystère d’outre-tombe. Je ne comprenais rien à cette vie ; elle me semblait affreuse, et, tout à coup, j’entendis