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pour œil, dent pour dent. Et après cette réference à la loi criminelle, il dit : Mais vous, ne faites pas ainsi, ne résistez pas aux méchants. Et puis il dit : ne jugez point. Donc Jésus parle précisément de la loi criminelle humaine et la réprouve par les mots : « Ne jugez point. »

En outre, d’après Luc, il dit non seulement : « Ne jugez point, » mais « Ne jugez point et ne condamnez point. » Ce n’est pas pour rien qu’il ajoute ce mot dont le sens est presque le même. L’adjonction de ce mot ne peut avoir qu’un but : celui d’éclairer le sens qu’il convient d’attribuer au premier mot.

S’il avait voulu dire : Ne jugez pas le prochain. il aurait ajouté ce mot : « le prochain, » mais il ajoute le mot qui se traduit par : ne condamnez point, et après cela il dit : « Et vous ne serez point condamnés, pardonnez à chacun et vous serez pardonnés. »

On pourra tout de même insister, dire que Jésus, en s’exprimant ainsi, ne pensait pas aux tribunaux et que c’est moi qui prête à ses paroles la pensée qui me convient.

Je me réfère aux premiers disciples de Jésus, aux apôtres pour voir comment ils considéraient les cours de justice, s’ils les reconnaissaient et les approuvaient.

Dans son chapitre iv, 11, 12, l’apôtre Jacques dit : « Mes frères ne parlez point mal les uns des autres. Celui qui parle contre son frère, et qui juge son frère, parle contre la loi et juge la loi. Or, si vous jugez la loi, vous n’en êtes plus observateur, mais vous vous en rendez le juge. Il n’y a qu’un législateur et qu’un juge qui peut sauver et qui peut perdre. Mais vous, qui êtes-vous pour juger votre prochain ? »