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Tout l’Ancien Testament dit que les malheurs du peuple hébreu provenaient de ce qu’il croyait à de faux dieux et non pas au vrai Dieu. Samuel dans son livre Ier, chapitres viii et xii, accuse le peuple d’avoir ajouté à toutes ses autres apostasies celle d’avoir élu à la place de Dieu, qui était leur roi, un homme sur lequel ils comptaient pour leur délivrance.

« Ne vous fiez pas au « tohu ou néant, » dit Samuel au peuple (chap. xii, verset 21), il ne peut vous apporter ni secours, ni délivrance parce que c’est le « tohu, le néant. » Pour ne pas périr, vous et votre roi, restez fidèles à Dieu seul.

Eh bien précisément la foi dans le « tohu, » dans ces idoles creuses m’avait voilé la vérité. En travers du chemin qui mène à la vérité, interceptant sa lumière, se dressait devant moi le « tohu » que je n’avais pas la force d’abattre.

Un de ces jours, je me dirigeais vers la porte Borovitzky (à Moscou) ; sous la porte se tenait un vieux mendiant boiteux, les oreilles bandées d’un torchon. Je tirai ma bourse pour lui faire l’aumône. Au même instant je vis déboucher du Kremlin, au pas de course, un jeune grenadier à la face colorée, à l’air martial, vêtu du pardessus réglementaire en peau de mouton, fourni par l’État.

Le mendiant ayant aperçu le soldat se leva effrayé et se mit à courir à cloche-pied vers le jardin Alexandre.

Le grenadier, après une vaine tentative pour le rejoindre, s’arrêta, vociférant contre le gueux qui s’était établi sous la porte contrairement au règlement.

J’attendis le grenadier. Quand il fut près de moi, je lui demandai s’il savait lire.