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que mon vrai bien et celui des autres, ne sont possibles que quand chacun travaillera non pas pour soi, mais pour un autre, et non seulement ne refusera pas son travail à un autre, mais le donnera avec joie à celui qui en a besoin.

Cette foi a changé mon estimation de ce qui est bon, mauvais et méprisable. Tout ce qui autrefois me paraissait bon et grand, — la richesse, toute espèce de propriété, le point d’honneur, le souci de ma dignité, mes droits, tout cela est devenu maintenant mauvais et méprisable. Le travail pour les autres, la pauvreté, l’abaissement, le renoncement à toute espèce de propriété et de droits, tout cela est devenu à mes yeux — bon et grand.

Si maintenant encore je puis, dans un moment d’oubli, m’entraîner à la violence pour me défendre moi et les autres, ou bien ma propriété et celle des autres, je ne puis plus, à tête reposée et sciemment, donner dans ce piège qui me perd moi et les autres ; je ne puis pas acquérir de propriété ; je ne puis plus avoir recours à la force sous quelque forme que cela soit, pour me défendre ou défendre un autre ; je ne puis prendre part à aucun acte du pouvoir qui a pour but la défense des hommes et de leur propriété par la violence ; je ne puis être ni juge ni prendre part à des jugements, ni être revêtu d’une autorité, ni faire partie d’une autorité quelconque ; je ne puis pas non plus faire que par ma coopération d’autres fassent partie des tribunaux ou d’une autorité quelconque.

Jésus m’a montré que la cinquième tentation qui me prive de mon bien — est la différence que nous faisons entre nos compatriotes et les peuples étrangers. Je ne