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tandis que l’homme ne peut jamais obéir qu’à Dieu seul. Je sais maintenant que les plus terribles de tous les maux par leurs suites : le meurtre à la guerre, les emprisonnements, les exécutions, les punitions, s’accomplissent uniquement grâce à ce serment en vertu duquel les hommes qui se font l’instrument du mal croient s’exonérer de la responsabilité qui pèse sur eux. En me souvenant maintenant de bien des maux qui m’ont poussé à l’hostilité et à la haine, je vois maintenant que tous ont pour cause première le serment, — l’engagement de se soumettre à la volonté d’autrui. Je comprends maintenant la signification des paroles : Tout ce qui est par-dessus la simple affirmation ou négation — oui ou non, — tout ce qui excède cela, toute promesse par laquelle on se lie d’avance — est un mal. Comprenant cela, je suis convaincu que le serment détruit mon vrai bien et celui des autres, et cette foi change mon estimation du bon et du mauvais, du grand et du méprisable. Tout ce qui auparavant me paraissait bon et grand : la promesse de fidélité au gouvernement appuyée par le serment, l’action d’extorquer des serments aux autres, et tous les actes contraires à la conscience, accomplis au nom de ce serment, tout cela me paraît désormais mauvais et méprisable. C’est pourquoi maintenant je ne puis plus m’écarter du commandement de Jésus qui défend le serment, je ne puis plus m’engager par serment envers qui que ce soit, ni faire prêter serment à quelqu’un, ni contribuer à ce que les hommes prêtent serment ou fassent prêter serment à d’autres, ou considèrent le serment comme une chose nécessaire et importante ou même inoffensive, comme le pensent d’aucuns.