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bres dans lesquelles vivent ces gens, quelque mépris qu’ils aient pour les neuf dixièmes de l’humanité, ce dixième de gens qui ont le pouvoir ne privent jamais les neuf dixièmes de leur nourriture, quoiqu’ils puissent le faire. Ils ne privent pas le bas peuple du nécessaire, afin qu’il puisse se multiplier et travailler pour eux. De nos jours, cette petite minorité de gens riches se comporte de façon que les neuf dixièmes en question soient nourris régulièrement, c’est-à-dire qu’ils puissent fournir le maximum de travail, se multiplier et donner un nouveau contingent de travailleurs.

Les fourmis mêmes veillent à la fécondité et à l’élevage de leurs petites vaches à traire. Comment les hommes ne veilleraient-ils pas à la multiplication de ceux qui travaillent pour eux ? Les ouvriers sont nécessaires. Et ceux qui profitent du travail seront toujours très soucieux que ces ouvriers ne fassent pas défaut.

L’objection contre la possibilité de pratiquer la doctrine de Jésus, qui consiste à dire que si je n’acquiers rien pour moi-même et ne le mets pas en réserve, personne ne voudra nourrir ma famille, est juste, mais seulement par rapport aux gens désœuvrés, inutiles, — par conséquent nuisibles, — comme la majorité de notre classe opulente. Personne ne se souciera d’élever des oisifs, excepté des parents insensés, parce que les gens oisifs ne sont nécessaires à personne, pas même à eux-mêmes, tandis que des ouvriers, les hommes les plus méchants les nourriront et les élèveront. On élève les veaux, et l’homme est une bête de travail plus utile que le bœuf, comme nous en fournissent la preuve les tarifs des bazars d’esclaves. C’est pourquoi les enfants ne peuvent jamais rester sans entretien.