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auxquels il a la possibilité de ne rien faire, est une position heureuse et naturelle. Il faut rétablir dans les cerveaux humains la manière d’envisager le travail, qui est celle de tous les hommes non corrompus, et qui était celle de Jésus quand Il disait que l’ouvrier mérite d’avoir sa nourriture. Jésus ne pouvait pas se représenter des hommes envisageant le travail comme une malédiction et, par conséquent, Il ne pouvait pas se représenter un homme ne travaillant pas ou désireux de ne pas travailler. Il suppose toujours que son disciple travaille. C’est pourquoi Il dit : Si l’homme travaille, son travail le nourrit. Et si quelqu’un s’approprie le travail d’autrui, il prend à sa charge la nourriture de celui qui travaille, précisément parce qu’il profite de son travail. Ainsi, celui qui travaille aura toujours sa nourriture : il n’aura pas de propriété ; mais, quant à la nourriture, cela n’est pas sujet à question.

La différence entre la doctrine de Jésus et celle du monde par rapport au travail est celle-ci : d’après la doctrine du monde, le travail est un mérite particulier de l’homme ; il lui permet d’entrer en règlement de comptes avec les autres, et de demander un salaire proportionné à la quantité qu’il en fournit ; d’après la doctrine de Jésus, le travail, la peine est la condition inévitable de la vie humaine, et la nourriture est une conséquence inévitable du travail. Le travail produit la nourriture ; la nourriture, le travail. Quelque méchant que soit le maître, il nourrira l’ouvrier, comme il nourrira le cheval qui travaille pour lui ; il le nourrira pour que l’ouvrier puisse travailler le plus possible, c’est-à-dire qu’il concourt précisément à ce qui constitue le bien de l’ouvrier.