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Christ, leur Dieu, persuadés de même qu’ils ne périront pas. Ils ne croient pas à ce qui est certain, uniquement parce qu’ils croient à ce qui ne l’est pas.

C’est à cause de cela qu’ils s’écrient : « Mon Dieu, raffermissez-nous dans la foi que nous ne périrons pas. » — Cela n’est pas possible. Pour qu’ils aient foi qu’ils ne périront pas, il faut qu’ils cessent de faire ce qui les mène à leur perte, et qu’ils commencent à faire ce qui les sauvera, — il faut qu’ils saisissent la corde de salut. Or, c’est ce qu’ils ne veulent pas faire, ils veulent se persuader qu’ils ne périront pas quoiqu’ils voient périr, sous leurs yeux, leurs camarades l’un après l’autre. C’est précisément ce désir de se persuader de ce qui n’est pas qu’ils appellent la foi. Il est bien clair qu’ils n’en ont jamais suffisamment et qu’ils voudraient en avoir davantage.

Quand je compris la doctrine de Jésus, alors seulement je compris que ce que ces enfants appellent la foi n’est pas la foi et que c’est précisément cette foi que l’apôtre Jacques dénonce dans son Épître[1].

« Chap. ii, 14. « Mes frères, dit Jacques, que servira-t-il à quelqu’un de croire qu’il a la foi, s’il n’a point les œuvres ? La foi pourra-t-elle le sauver ? (15) Si un de vos frères ou une de vos sœurs n’ont point de quoi se vêtir, et qu’ils manquent de ce qui leur est nécessaire chaque jour pour vivre ; et que quelqu’un d’entre vous leur dise : allez en paix, je vous souhaite de quoi vous garantir du froid et de quoi manger, sans leur donner néanmoins ce qui est nécessaire à leur corps ; à quoi

  1. Cette épître fut longtemps repoussée par l’Église, et, quand on l’accepta, elle fut l’objet de quelques altérations : certains mots sont omis, d’autres sont changés de place ou traduits arbitrairement. Je conserve la traduction usitée en rétablissant seulement les passages inexacts d’après le texte de Tischendorf.