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autres (27) ? Considérez les lis, et voyez comme ils croissent : ils ne travaillent ni ne filent ; cependant je vous déclare que Salomon, même dans toute sa magnificence, n’a jamais été vêtu comme l’un d’eux. »

Quelque peine que vous preniez pour votre nourriture et votre corps, nul ne peut prolonger son âge d’une heure[1]. N’est-il pas inepte de s’inquiéter d’une chose qu’il nous est impossible d’accomplir ?

Vous savez parfaitement que votre vie matérielle finira par la mort, et vous vous donnez du mal pour vous l’assurer par la richesse. La vie ne peut pas être assurée par ce que l’on possède ; considérez que c’est un leurre dont vous vous leurrez vous-mêmes.

Le sens de la vie, dit Jésus, ne gît pas dans ce que nous possédons ou dans ce que nous accumulons, il doit consister dans quelque chose d’autre.

Il dit (Luc, xii, 16-21) : « Il y avait un homme riche dont les terres avaient extraordinairement rapporté ; et il s’entretenait en lui-même de ses pensées : Que ferai-je ? car je n’ai point de lieu où je puisse serrer tout ce que j’ai à recueillir. Voici, dit-il, ce que je ferai : j’abattrai mes greniers et j’en bâtirai de plus grands, et j’y amasserai toute ma récolte et tous mes biens ; et je dirai à mon âme : Mon âme, tu as beaucoup de biens en réserve pour plusieurs années, repose-toi, mange, bois, fais bonne chère. Mais Dieu, en même temps dit à cet homme : Insensé que tu es, on va te redemander ton âme cette nuit même ; et pour qui sera ce que tu as amassé ? (21) C’est ce qui

  1. Les mots du 25e verset (Luc, xii) sont inexactement traduits : le mot ἡλικία veut dire âge, âge de la vie ; par conséquent toute la phrase veut dire : ne peut ajouter une heure à sa vie.