Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/122

Cette page a été validée par deux contributeurs.

immortalité consistait en ce que ce genre de vie devait durer éternellement, son innocence consistait en ce qu’il n’avait pas la notion du mal.

Cet homme fut séduit dans le paradis par celui des esprits de la première création qui devint spontanément méchant. De là date la chute de l’homme, qui engendra des hommes déchus comme lui, et depuis ce temps les hommes connurent le travail, les maladies, la souffrance, la mort, la lutte physique et morale ; c’est-à-dire que l’homme fantastique (d’avant la chute) devint réel, tel que nous le connaissons, tel que nous n’avons nul droit, nulle raison de nous le représenter différent.

L’état de l’homme qui travaille, qui souffre, qui choisit le bien et repousse le mal, qui meurt, — cet état qui est la réalité et en dehors duquel nous ne pouvons rien concevoir, n’est pas selon la doctrine de cette religion l’état normal de l’homme, mais un état qui ne lui est pas naturel, un état temporaire.

Quoique cet état, selon cette doctrine, dure, pour toute l’humanité, à dater de l’expulsion d’Adam du paradis, c’est-à-dire du commencement du monde jusqu’à la naissance de Jésus, et dure depuis Jésus exactement dans les mêmes conditions, les fidèles doivent se persuader que c’est un état anormal et temporaire. D’après cette doctrine, le Fils de Dieu — Dieu lui-même, la seconde personne de la Trinité, fut envoyé par Dieu sur la terre sous l’aspect d’un homme pour tirer les hommes de cet état temporaire et anormal, pour les délivrer de toutes les malédictions dont les a frappés ce même Dieu à cause du péché d’Adam, et les réintégrer dans leur état antérieur, normal, de félicité, c’est-à-dire d’immortalité, d’innocence et d’oisiveté. — La seconde