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Il doit y avoir là quelque conception chimerique.

Seule une conception chimérique qui prend ce qui n’est pas pour la réalité, et prend la réalité pour quelque chose qui n’est pas, peut amener les hommes à cette singulière négation de la possibilité de pratiquer ce qui, d’après leur propre aveu, leur donne le vrai bien.

La conception chimérique qui a réduit les hommes à cette condition s’appelle la religion chrétienne dogmatique, celle qui est enseignée dès l’enfance à tous ceux qui professent le christianisme de l’Église, d’après les différents catéchismes orthodoxes, catholiques et protestants.

Cette religion, d’après la définition des fidèles, consiste à accepter comme réel ce qui ne l’est pas (ce sont les paroles de Paul, qui se répètent dans toutes les théologies et dans tous les catéchismes comme la meilleure définition de la foi). Eh bien, c’est précisément la foi à la réalité de ce qui est chimérique qui a conduit les hommes à cette singulière affirmation : La doctrine de Jésus est excellente pour les hommes, mais elle ne vaut rien pour régler leur existence.

Voici le résumé le plus fidèle de ce que cette religion enseigne :

Un Dieu personnel qui est de toute éternité — un en trois personnes — s’avisa un jour de créer tout un monde d’esprits. Ce Dieu de bonté créa ce monde d’esprits pour leur bien, mais il arriva qu’un de ces esprits devint méchant spontanément. Il se passa beaucoup de temps et Dieu créa un autre monde matériel ; il créa aussi l’homme, également pour son bien. Dieu créa l’homme bienheureux, immortel et sans péché. La félicité de l’homme consistait à jouir de la vie sans travail ; son