il se trouve que nous disons : la doctrine de Jésus est admirable, mais impossible à pratiquer, parce qu’elle est difficile. Or, elle est difficile parce que en la suivant, nous devons nous priver de ce dont nous jouissions — auparavant. On dirait que nous n’avons jamais entendu dire qu’il est parfois plus avantageux de supporter difficultés et privations, que de ne rien supporter et de satisfaire toujours ses convoitises.
L’homme peut tomber à l’état de bête et personne ne songera à lui en faire un reproche ; mais il ne saurait faire usage de sa raison pour arriver à l’apologie de l’état bestial. Du moment qu’il raisonne, il a la conscience d’être doué de raison, et cette conscience le stimule à distinguer ce qui est raisonnable de ce qui est déraisonnable. La raison ne prescrit rien, elle éclaire.
Supposons que je me sois meurtri mains et genoux dans une chambre obscure en cherchant la porte. Quelqu’un m’apporte de la lumière et j’aperçois la porte. Je ne puis plus aller me heurter contre le mur quand je vois la porte ; encore moins puis-je affirmer que le mieux est de passer par la porte, mais que c’est difficile et que, par conséquent, je veux continuer à me meurtrir les genoux contre le mur.
Dans ce merveilleux raisonnement : « La doctrine chrétienne est admirable et procure le vrai bien au monde ; mais les hommes sont faibles, ils sont méchants, ils veulent faire le mieux et font le pire, c’est pourquoi ils ne peuvent pas faire le mieux », — il y a un malentendu évident.
Il y a là-dessous autre chose qu’un défaut de raisonnement.