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mettre à la disposition de personne, et que promettre, par serment, quoi que ce soit — c’est renoncer à son être raisonnable et outrager ce que nous possédons de plus saint. Je me figurai qu’au lieu de ces haines nationales qu’on nous inspire sous le titre de « patriotisme » ; au lieu de cette gloire attachée au meurtre — à la guerre, qu’on nous représente, dès l’enfance, comme quelque chose de superbe, on nous enseignait au contraire l’horreur et le mépris de toutes ces carrières : militaires, diplomatiques et politiques, qui servent à diviser les hommes ; qu’on nous apprenait à considérer comme un indice de culture sauvage la division des hommes en États politiques quelconques, la diversité des codes et des frontières ; que massacrer des étrangers, des inconnus sans le moindre motif est le plus horrible forfait dont peut seul être capable un homme égaré et dépravé, tombé au dernier degré de la bête. Je me figurai que tous les hommes en étaient arrivés à cette conviction, et je songeai à ce qui pourrait en résulter.

Auparavant, je me demandais quelles pouvaient être les conséquences pratiques de la doctrine de Jésus, telle que je la comprenais, et je me répondais involontairement : aucune. Nous continuerons tous à prier, à jouir de la grâce des sacrements et à croire à la Rédemption et au salut individuel, comme à celui du monde par Jésus-Christ, et tout de même ce salut ne sera pas le fruit de nos efforts ; il se fera parce que l’époque de la fin du monde sera arrivée. Le Christ viendra au terme fixé, dans sa gloire, pour juger les morts et les vivants et le règne de Dieu s’établira.

Maintenant la doctrine de Jésus, telle qu’elle se révé-