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mation de cette substance même du christianisme ; ce qui était pour moi l’essentiel me parut l’accessoire dans la doctrine de l’Église.

Ce qui était pour moi le plus important, dans l’enseignement de Jésus, ne l’était pas pour l’Église.

Sans doute, pensais-je, l’Église reconnaît dans le christianisme, outre le côté intérieur de l’amour, de l’humilité et de l’abnégation, un sens dogmatique extérieur. Ce sens, me disais-je, m’est étranger, me repousse même, mais il n’est pas mauvais, pernicieux en soi.

Cependant plus j’avançais dans la vie, me soumettant à la doctrine de l’Église, et plus je voyais qu’il y avait dans ce point particulier quelque chose de plus grave qu’il ne m’avait semblé dès le début.

Ce qui me repoussait dans la doctrine de l’Église, c’étaient et l’étrangeté de ses dogmes et l’approbation, — le soutien qu’elle donnait aux persécutions, à la peine de mort, aux guerres suscitées par l’intolérance commune à toutes les Églises, qui s’excluent les unes les autres ; mais ce qui ébranla principalement ma confiance en elle fut son indifférence pour ce qui me paraissait essentiel dans l’enseignement de Jésus et sa partialité pour ce qui me paraissait secondaire.

Je sentais qu’il y avait là quelque chose de faux, mais il m’était impossible de découvrir ce qui était faux, surtout parce que la doctrine de l’Église ne niait pas ce qui me semblait essentiel dans la doctrine de Jésus ; elle le reconnaissait en plein, mais s’arrangeait de façon à ne pas lui accorder la première place.

Je ne pouvais pas accuser l’Église de nier l’essence de la doctrine de Jésus, mais elle la reconnaissait d’une façon qui ne me satisfaisait pas.