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de supporter les offenses, de renoncer aux représailles, — contre le caractère vindicatif des Juifs, — non seulement n’excluent pas les mesures générales pour circonscrire le mal et punir les méchants ; mais ils exhortent chacun à des efforts individuels et personnels pour soutenir la Justice, pour arrêter les agresseurs et empecher les méchants de faire le mal aux autres ; car, autrement, disent-ils, ces commandements spirituels du Sauveur deviendraient, comme chez les Juifs, lettre morte et pourraient servir à propager le mal et à supprimer la vertu. L’amour du chrétien doit être semblable à l’amour de Dieu ; mais l’amour divin circonscrit et réprouve le mal seulement dans la mesure dans laquelle cela est nécessaire pour la gloire de Dieu et le salut du prochain ; si le mal se propage, il faut mettre des bornes au mal et le punir ; or c’est là le rôle des autorités[1].

Les chrétiens savants et libres penseurs ne s’embarrassent pas non plus du sens de ces paroles de Jésus et n’hésitent pas à le corriger. Ils disent que ce sont des sentences très élevées, mais complètement inapplicables à la vie ; car si on pratiquait à la lettre le commandement : « Ne résistez pas au méchant, » l’ordre de choses que nous avons si bien organisé serait détruit. C’est ce que disent Renan, Strauss et tous les commentateurs libres penseurs.

Il suffit pourtant d’en agir avec les paroles de Jésus comme nous en agissons envers le premier venu qui nous parle, c’est-à-dire d’admettre qu’il dit exactement ce qu’il dit, et toutes ces profondes combinaisons s’éva-

  1. Cette citation est tirée des Commentaires sur l’Évangile par l’archevêque Michel, ouvrage basé sur les écrits des Pères de l’Église.