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peuple entier ; le but de toutes ces raisons, c’est la légitimation de l’assassinat. Vous vous indignez même qu’il y ait des hommes pour affirmer qu’il ne faut jamais tuer, de même que j’en ai rencontré d’indignés contre certaines gens parce qu’elles affirmaient qu’il ne faut pas maltraiter les femmes et les enfants.

L’humanité vit, la conscience morale grandit et elle commence à comprendre, d’abord l’impossibilité morale de manger ses parents, puis de tuer les enfants superflus, puis de tuer les prisonniers, ensuite d’avoir des esclaves, de maintenir l’ordre dans son foyer avec les coups, et enfin — et c’est la principale acquisition de l’humanité — l’impossibilité d’attenter au bonheur général par l’assassinat ou n’importe quelle violence. Il y a des hommes qui ont atteint ce degré de conception morale, il y en a d’autres qui n’y sont pas encore parvenus. Discuter avec les uns et les autres pour les convaincre, est inutile. Quelles que soient les raisons par lesquelles on voudrait me prouver que je ferai le plus grand bien à mes enfants et à l’humanité entière, si je frappais mon fils avec un bâton, je ne pourrais le faire pas plus que je ne pourrais l’assassiner ; je sais que je ne puis ni battre un enfant, ni tuer ; il n’y a pas lieu de discuter. Je ne puis dire qu’une chose : à ceux qui veulent légitimer la violence