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d’un brigand ou de celle d’un enfant ? Pour décider cette question, il doit savoir ce que sera, l’enfant qu’il sauvera, et ce que deviendrait l’assassin qu’il tue, s’il ne le tuait pas. Et il ne peut le savoir. C’est pourquoi, si l’homme n’est pas chrétien, il n’a aucun motif raisonnable pour tuer le brigand et sauver l’enfant.

Si un homme est chrétien et s’il reconnaît Dieu et le sens de la vie dans l’accomplissement de sa volonté, alors quelque horrible assassinat dont puisse être victime le plus innocent, le plus charmant des enfants, il a encore moins de motif pour faire au brigand, en s’écartant de la loi que lui a donnée Dieu, ce que le brigand veut faire à l’enfant. Il peut le supplier, il peut mettre son corps entre lui et l’enfant, mais il y a une chose qu’il ne peut pas faire : s’écarter volontairement de la loi que lui a donnée Dieu et dont l’accomplissement fait le sens de sa vie. Il est très possible que, par sa fausse éducation, par son animalité, l’homme païen ou chrétien tue l’assassin, non seulement pour la defense de l’enfant, mais pour la sienne propre ou même pour défendre sa bourse, mais cela ne signifie nullement que c’est bien et qu’il faut habituer soi et les autres à penser et à agir ainsi. Cela signifie seulement que malgré l’éducation intellectuelle et le christianisme, les habitudes de l’âge de