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en cas d’élargissement, aux dépens des nôtres des frontières de l’état voisin ; ou en cas de transport de dentelles en contrebande, ou pour défendre les fruits de notre jardin contre les passants.

On pense qu’il est nécessaire de tuer, d’assassiner pour sauver l’enfant, mais il suffit de songer à quels motifs obéit alors un homme, soit-il chrétien ou non, pour se convaincre que tel acte ne peut avoir aucune base raisonnable et qu’on le croit nécessaire seulement parce qu’il y a deux mille ans qu’une telle façon d’agir est considérée comme juste, et que les hommes ont été habitués ainsi.

Pourquoi un homme non chrétien, qui ne reconnait pas Dieu et le sens de la vie dans l’accomplissement de sa volonté, tuera-t-il l’assassin pour défendre l’enfant ? Sans parler qu’en tuant l’assassin il tue sûrement, tandis qu’il n’est pas sûr, jusqu’au dernier moment, que l’assassin tuera l’enfant ; sans parler de cette hypothèse qui a décidé que la vie de l’enfant est plus utile que celle du meurtrier ; si un homme n’est pas chrétien, et ne reconnaît ni Dieu ni le sens de la vie dans l’accomplissement de sa volonté, alors le calcul seul peut déterminer ses actes, c’est-à-dire la pensée de ce qui est le plus avantageux pour lui et pour les hommes. Est-ce la prolongation de la vie