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homme bon forcé de torturer ou d’assassiner un enfant. Il ne décide pas par le raisonnement s’il ne peut pas ou ne doit pas faire ce qu’on demande de lui, parce que pour un homme il y a impossibilité morale de certains actes, comme il y a impossibilité physique : de même qu’il est impossible à un homme de soulever une montagne, il est impossible à un homme bon de tuer un enfant et impossible à un homme qui vit chrétiennement de participer à la violence. Quel sens peuvent donc avoir pour un tel homme, les dissertations sur ce qu’il doit faire, et cela pour un bien imaginaire quelconque, s’il lui est déjà moralement impossible d’agir ainsi. Mais comment doit agir un homme quand il lui est évidemment désavantageux de suivre la loi d’amour et la loi de non-résistance qui en dérive ? Comment doit agir un homme — c’est l’exemple qu’on donne toujours — quand, sous ses yeux, un brigand tue ou violente un enfant, si l’on ne peut sauver cet enfant qu’en tuant le brigand ? On pense ordinairement qu’avec tel exemple, la réponse ne peut être que celle-ci : il faut tuer le brigand pour sauver l’enfant.

Mais on ne donne cette réponse si vite et si catégoriquement qu’à cause de l’habitude que nous avons d’agir ainsi en cas de défense d’un enfant. Mais nous sommes habitués d’agir ainsi