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l’abolition de la violence, c’est la non-protection de la propriété, et par suite la possibilité pour chaque homme de prendre impunément chez l’autre ce dont il a besoin ou ce qu’il désire. Les hommes sont si habitués à la garantie de la propriété et de la personne par la violence, qu’ils s’imaginent que sans elle il y aura un désordre constant et une lutte perpétuelle de tous contre tous. Je ne répéterai pas ce que j’ai dit ailleurs sur ce que la protection de la propriété par la violence ne diminue pas, mais augmente le désordre ; mais, en admettant même, qu’en l’absence de garantie se produisent des désordres, que doivent faire les hommes qui ont compris la cause de tous les maux dont ils souffrent ? Si nous avons compris que nous sommes malades d’alcoolisme nous ne pouvons, en continuant à boire, espérer améliorer notre santé, si même en continuant à boire, nous prenons des remèdes prescrits par un médecin peu clairvoyant.

Il en est de même des maladies de la société. Si nous avons compris que nous sommes malades parce que les uns usent de violence envers les autres, alors il nous est déjà impossible d’améliorer la situation de la société en soutenant la violence existante du gouvernement ou en introduisant une violence nouvelle : révolutionnaire, socialiste. C’était possible tant qu’on ne connaissait pas la cause principale du mal de