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la vie. » C’est ce que j’entends souvent, d’hommes qui sont habitués à leur situation et qui ne trouvent pas possible ou ne veulent pas la changer.

« Dites-nous exactement ce qu’il faut faire, comment organiser la société ? » disent ordinairement les hommes de la classe aisée. Ces hommes sont si habitués à leur rôle de propriétaires d’esclaves qu’aussitôt qu’on commence à parler de l’amélioration du sort des ouvriers, ils se mettent à inventer des projets de toutes sortes pour la situation des esclaves, mais ils ne pensent même pas qu’ils n’ont aucun droit de disposer des autres hommes, et que, s’ils leur veulent vraiment du bien, la seule chose qu’ils puissent et doivent faire, c’est de cesser de faire le mal qu’ils font maintenant. Et ce mal est très précis et très clair. Il consiste non seulement en ce qu’ils jouissent du travail forcé des esclaves et ne veulent pas renoncer à cette jouissance, mais aussi en ce qu’ils participent eux-mêmes à l’établissement et au soutien de ce travail forcé. Et c’est précisément ce qu’ils doivent cesser de faire.

Les ouvriers sont eux-mêmes si dépravés par leur travail forcé qu’il semble à la majorité d’entre eux que le patron qui paye trop peu et qui possède les instruments de production est coupable de leur mauvaise situation. Il ne leur