Page:Tolstoï - Les Rayons de l’aube.djvu/385

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pas. Dans l’antiquité les soldats se jetaient avec leurs chefs sur les habitants sans défense, les subjuguaient et les pillaient ; et tous, suivant leur concours, leur hardiesse ou leur cruauté, avaient une part du butin, ainsi il était clair pour chaque soldat que la violence qu’il faisait lui était avantageuse. Maintenant les hommes armés — qui sont pris surtout parmi les ouvriers — marchent contre des hommes sans armes : grévistes, révoltés, ou contre les habitants des pays étrangers, les subjuguent et les volent non pour eux, mais pour des hommes qui ne prennent pas part aux combats. La différence entre les conquérants et les gouvernements, c’est que les premiers se jetaient avec leurs soldats contre les habitants sans armes et en cas de désobéissance exécutaient eux-mêmes leurs menaces de châtiment ; tandis que les gouvernements en cas de désobéissance ne torturent pas et n’assassinent pas eux-mêmes les hommes sans armes, mais obligent à cela des hommes qui sont trompés et qui sont abrutis dans ce but ; des hommes qui appartiennent au peuple même qu’ils massacrent. Ainsi autrefois la violence se faisait par les forces personnelles : hardiesse, cruauté, habileté des conquérants eux-mêmes ; et la violence contemporaine se fait par tromperie. C’est pourquoi, si pour se débarrasser de la violence des hommes armés, il fallait autre-