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Mais sans compter que tout cela : révoltes, pillages, assassinats, après lesquels viendront le règne du mal et l’asservissement des bons, existe actuellement ; si même la destruction de l’ordre existant produira les révoltes et le désordre, cela ne prouve pas que l’ordre actuel soit bon. « Touchez seulement à l’ordre existant ; et viendront les plus grands maux. »

Touchez seulement une seule des mille briques qui sont mises en colonne étroite et haute de quelques sagènes, et toutes les briques tomberont et se briseront. Mais de ce que l’enlèvement de chaque brique ou chaque poussée, détruit cette colonne et toutes les briques qui la composent, il ne résulte pas qu’il est sage de laisser les briques dans cette position instable ; au contraire, cela prouve qu’il ne faut pas les laisser ainsi en colonne, mais les disposer de façon qu’elles se tiennent solidement et qu’on puisse les utiliser sans détruire tout. La même chose se produit avec la constitution de l’État contemporain. La constitution gouvernementale est une constitution très artificielle et très chancelante, et le fait que la moindre poussée la détruit non seulement ne prouve pas qu’elle est nécessaire, mais montre au contraire que — si elle l’a jamais été — maintenant elle n’est d’aucune utilité, et qu’elle est même nuisible et dangereuse.