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terre y comprise. Et alors, ils se nourriront et se vêtiront si bien, ils s’amuseront tant le dimanche, qu’ils préféreront la vie urbaine, parmi les pierres et les tuyaux de cheminées à la vie des champs, au grand air, parmi les plantes et les animaux domestiques ; le travail monotone, réglé par la cloche et la machine, au travail agricole varié, sain et libre.

Bien que cette hypothèse ne soit pas plus fondée que celle des théologiens sur ce paradis dont profiteront dans l’autre monde les ouvriers qui auront tant peiné dans le nôtre, les hommes savants et instruits de notre temps croient cependant à cette doctrine étrange, de même que les hommes savants et spirituels ont cru au paradis dans l’autre monde pour les ouvriers. Et les hommes savants et leurs disciples, les hommes des classes aisées, croient cela parce qu’ils ne peuvent pas n’y pas croire. Un dilemme s’impose à eux : ou ils doivent comprendre que tout ce dont ils profitent, depuis le chemin de fer jusqu’aux allumettes et au tabac, est le travail de leurs frères et coûte quantités de vies humaines, et qu’ils sont très coupables de profiter d’un travail auquel ils ne participent pas ; ou ils doivent croire que tout ce qui se passe se fait pour le bien-être général en vertu des lois immuables de la science économique.

Et là se trouve la cause psychologique qui