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parce que la misère du sort des ouvriers, soit au chemin de fer, soit à la fabrique de soierie, soit dans toute autre fabrique ou établissement, est, non dans la plus ou moins grande quantité des heures de travail (le laboureur, qui se trouve heureux, travaille quelquefois dix-huit heures, et même jusqu’à trente-six heures consécutives), non dans la médiocrité du salaire, non dans ce que le chemin de fer ou la fabrique ne leur appartiennent pas, mais dans ce que ces ouvriers sont forcés de travailler dans les conditions malsaines, antinaturelles et souvent dangereuses de la vie urbaine, pleine de tentations et d’immoralité, et aussi de travailler par force et pour les autres.

Dans les derniers temps, on a diminué les heures de travail et augmenté les salaires, mais cela n’a pas amélioré la situation des ouvriers, si l’on a en vue, non leurs habitudes de luxe : la montre et la chaîne, le tabac, le vin, la bière, etc., mais leur vrai bien-être, c’est-à-dire leur santé, leur moralité et principalement leur liberté.

Dans la fabrique de soie que je connais, vingt ans auparavant, travaillaient presque exclusivement des hommes ; la durée du travail était 14 heures par jour, ils gagnaient en moyenne 15 roubles par mois, et ils envoyaient la plus grande partie de ce salaire à leur famille, à la