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nés par la poussière de plomb ; les ouvriers des usines de glaces, d’allumettes, de sucre, de tabac, les mineurs !…

Les données statistiques de l’Angleterre montrent que la longévité moyenne des hommes des classes supérieures est 55 ans ; et celle des ouvriers de professions malsaines 29 ans. Il semble que, sachant cela (et il est impossible de l’ignorer), nous qui profitons de ce travail, qui coûte des vies humaines, nous ne puissions, à moins d’être des animaux féroces, avoir un moment de tranquillité. Et cependant, nous, les hommes aisés, libéraux, humains, sensibles non seulement aux souffrances des hommes, mais à celles des animaux, nous profitons sans cesse de ce travail et tâchons de nous enrichir de plus en plus, c’est-à-dire de profiter de plus en plus de ce travail, et nous restons tout à fait tranquilles.

Par exemple, en apprenant que les hommes d’équipe travaillent trente-sept heures et ont un logement insuffisant, aussitôt, nous enverrons là-bas un inspecteur, qui reçoit un bon salaire ; nous défendrons un travail de plus de douze heures, en laissant les ouvriers, qui seront privés d’un tiers de leur gain, se nourrir comme ils le pourront ; nous obligerons encore la Compagnie à construire une chambre plus spacieuse pour les ouvriers, et alors, avec la conscience