Page:Tolstoï - Les Rayons de l’aube.djvu/314

Cette page a été validée par deux contributeurs.

me racontèrent ce qui, évidemment, leur tenait le plus au cœur ; c’est que la chambre dans laquelle ils pouvaient parfois se chauffer et dormir une heure entre le travail de jour et le travail de nuit, était trop petite, et tous en exprimaient un vif mécontentement.

— Nous sommes quelquefois cent hommes, et il n’y a pas où s’allonger, même sous les planches c’est trop étroit, disaient des voix mécontentes, regardez vous-même, ce n’est pas loin.

Le logement était effectivement très étroit, dans cette chambre de dix archines carrées, il n’y avait place sur les planches que pour quarante hommes au plus. Quelques ouvriers entrèrent derrière moi dans la chambre, et tous se plaignaient amèrement de l’exiguïté de ce réduit : « Même sous les planches, on ne peut s’allonger », disaient-ils.

Tout d’abord, il me sembla étrange que des hommes qui sont habitués à rester sans pelisse à un froid de 20°, à porter pendant trente-sept heures des fardeaux de dix pouds, à dormir et à manger, non quand c’est nécessaire, mais quand il plaît aux chefs et qui en général travaillent plus que des chevaux de trait, se plaignent surtout de l’exiguïté de leur chambre commune. Oui, tout d’abord, cela me parut étrange ; mais, en réfléchissant à leur situation, je compris quels sentiments pénibles doivent