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dressaient sur ma tête, j’avais la chair de poule comme il arrive quand on est saisi par le froid. Ma pensée travaillait activement, mais toujours le même sujet ; j’étais si impressionné par mes sensations, j’étais saisi d’une peur si effroyable, que je n’entendais même plus les grondements des canons de la batterie. Et je me souviens du plaisir que j’éprouvai quand un terrible craquement quelconque (probablement la mitraille qui éclatait tout près) me tira de cet étourdissement. Je me rappelai la batterie, les camarades, le service, et je regrettai que le moment ne fût pas encore venu d’aller remplacer un camarade. Avec le plus grand plaisir, j’eusse remplacé maintenant n’importe qui. Mais que penseraient les camarades ? Que leur dirais-je ? Je mourrais de honte s’il me fallait avouer que je m’étais enfui à cause des rats, que j’en avais peur.

Deux rats : la honte et la peur, commençaient aussi à gratter dans mon âme. Ils luttaient entre eux, l’un voulant vaincre l’autre.

La peur me soulevait, me chassait, la honte me retenait, me clouait au lit : ne bouge