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ment éclairé par le même bout de bougie, et par terre, près du sac aux victuailles, deux immenses rats.

Il me sembla les voir debout et immobiles, car cette vision avait été si rapide que mes yeux avaient gardé l’impression de l’immobilité. Aussitôt je refermai les yeux et jetai le livre afin de les effrayer par le bruit. Mais je sentis qu’ils étaient encore là.

Je me tournai d’un côté sur l’autre. Les rats ne bougeaient pas. Ils rongeaient quelque chose bruyamment, et maintenant je les entendais.

Je ne puis pas dire qu’ils semblaient s’approcher de moi et me mordre les jambes, le dos, la tête. Cela n’eût pas été trop terrible, j’aurais su enfin ce qu’ils voulaient de moi. L’horreur de l’angoisse c’était précisément que je pouvais m’imaginer à la fois beaucoup de choses, toutes plus terribles les unes que les autres. C’est peu. Je me sentais assiégé par eux, leur audace m’était évidente. J’éprouvais leur puissance particulière sur moi — elle m’ôtait la possibilité de remuer bras et jambes. Mes cheveux se