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la plus importante de la vie et, lorsque ce mensonge est si profondément enraciné dans son esprit qu’il est impossible de l’en arracher, on ouvre à l’enfant le monde de la science et de la réalité, qui ne peuvent aucunement se concilier avec les croyances qu’on lui a inculquées, et on lui laisse le soin de se débrouiller comme il pourra au milieu de ces contradictions.

Si l’on s’était donné pour problème d’égarer la saine intelligence de l’homme pour qu’il ne puisse sortir de la contradiction des deux conceptions opposées qu’on lui a inculquées dès son enfance, on n’aurait pu inventer rien de plus puissant que le système d’éducation adopté dans notre société soi-disant chrétienne.

Ce que les églises font des hommes est terrible, mais, si on examine bien leur situation, on reconnaît qu’elles ne peuvent agir autrement. Il y a un dilemme posé devant les églises : le Sermon sur la Montagne ou le Symbole de Nicée. L’un exclut l’autre. — Si l’homme croit sincèrement au Sermon sur la Montagne, le Symbole de Nicée perd fatalement pour lui tout sens et toute valeur, et, avec le Symbole de Nicée, l’église et ses représentants. Et, s’il croit au Symbole de Nicée, c’est-à-dire à l’église, c’est-à-dire à ceux qui s’intitulent ses représentants, le Sermon sur la Montagne devient pour lui inutile. C’est pourquoi les églises ne peuvent pas ne pas faire tous les efforts imaginables pour obscurcir le sens du Sermon sur la Montagne et attirer les hommes à elles. — Ce n’est que grâce à cette action intensive des églises, dans ce sens, que leur influence a pu se maintenir jusqu’ici. — Que, pour le moment le plus court, l’église arrête cette influence sur la masse par l’hypnotisation, et sur les enfants par le mensonge, et les hommes comprendraient aussitôt la doctrine évangélique, et l’intelligence de cette doctrine