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l’entendent jamais, sauf les jours où l’Évangile est lu tout entier. Et cela ne peut être autrement. Des hommes croyant à un Dieu méchant et insensé qui a maudit la race humaine et qui a voué son fils au sacrifice, et une partie des hommes à une torture éternelle, ne peuvent pas croire à un Dieu d’amour. L’homme qui croit en Dieu-Christ jugeant et punissant avec éclat les vivants et les morts, ne peut croire en un Christ qui ordonne de tendre la joue à l’offenseur, de ne pas juger, de pardonner, et d’aimer ses ennemis. L’homme qui croit au caractère divin de l’Ancien Testament et à la sainteté de David qui, sur son lit de mort, lègue la mission de tuer le vieillard qui l’a offensé et qu’il n’a pu tuer lui-même, étant lié par un serment (Rois, II, 8) et bien d’autres vilenies dont est plein l’Ancien Testament, ne peut pas croire en la morale du Christ. L’homme qui croit en la doctrine et aux sermons de l’église relativement à la conciliation du christianisme avec les exécutions et la guerre, ne peut plus croire à la fraternité de tous les hommes.

Et surtout l’homme qui croit au salut par l’expiation ou les sacrements ne peut plus tendre tous ses efforts vers l’observance de la doctrine morale du Christ.

L’homme à qui l’église a appris cette doctrine sacrilège qu’il ne peut trouver le salut en lui, et qu’il existe un autre moyen de l’obtenir, recourra nécessairement à ce moyen et non pas à sa propre force, à laquelle il ne peut se confier sans péché, lui assure-t-on. La doctrine de l’église, quelle qu’elle soit, avec ses expiations et ses sacrements, exclut la doctrine du Christ (surtout l’église orthodoxe avec son idolâtrie).

« Mais, objectera-t-on, le peuple a toujours cru et croit encore de cette façon. Toute l’histoire du peuple russe le prouve. On ne peut lui ôter ses traditions. »