Tel est le quatrième moyen de répondre.
Le cinquième moyen, le plus habile, le plus employé et le plus puissant, consiste à éviter de répondre, à feindre de considérer cette question comme déjà résolue depuis longtemps et de la façon la plus nette et la plus satisfaisante, de telle sorte qu’il n’y ait plus à en parler. Ce moyen est employé par tous les écrivains religieux trop instruits pour méconnaître les lois de la logique. Sachant qu’il est impossible d’expliquer la contradiction qui existe entre la doctrine du Christ, que nous professons en paroles, et tout notre ordre social, et qu’en en parlant on ne peut que la rendre plus évidente, ils tournent la difficulté avec plus ou moins d’habileté en ayant l’air de croire que la question de la conciliation de la doctrine chrétienne avec la violence est déjà résolue ou n’existe pas[1].
La plupart des critiques religieux qui se sont occupés de mon livre emploient ce moyen. Je pourrais citer par dizaines ces appréciations dans lesquelles, sans exception, on répète toujours la même chose. On parle de tout, sauf du sujet principal du livre. Comme exemple caractéristique de ce genre de critiques, je vais citer
- ↑ Je ne connais qu’une seule étude — pas une critique dans le sens exact du mot — traitant le même sujet et ayant en vue mon livre, qui s’écarte quelque peu de cette définition générale. C’est la brochure de Troïtsky : Le Sermon sur la Montagne (Kazan). L’auteur reconnaît que le précepte de la non-résistance au mal par la violence veut dire ce qu’il dit, de même que le précepte sur le serment. Il ne nie pas, comme d’autres, la signification de la doctrine du Christ ; malheureusement il ne tire pas de cette reconnaissance les déductions inévitables qui en découlent et qui apparaissent tout naturellement quand on comprend comme lui la doctrine du Christ. Si on ne doit pas s’opposer au mal par la violence, ni prêter serment, chacun doit se demander : Et le service militaire ? Et le serment ? — Et c’est précisément à ces questions que l’auteur ne répond pas. Or il faut répondre, ou, si on ne le peut, éviter de soulever ces questions.