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titude des ministres de l’église vis-à-vis de ce précepte, et leur altitude vis-à-vis de ceux qu’ils reconnaissent réellement, pour se convaincre de la différence qu’ils en font.

Ils reconnaissent réellement, par exemple, le précepte contre la luxure ; aussi, jamais, dans aucun cas, ils n’admettent que la luxure ne soit pas un mal ; jamais ils n’indiquent de cas où le précepte contre l’adultère pourrait être enfreint, et ils enseignent toujours qu’on doit éviter les tentations de la luxure. Rien de pareil pour le précepte de la non-résistance. Tous les prêtres reconnaissent des cas où ce précepte peut être violé, et c’est dans ce sens qu’ils enseignent. Et non seulement ils n’enseignent pas d’éviter les tentations, dont la principale est le serment, mais ils le prononcent eux-mêmes. Dans aucun cas ils n’approuvent la violation d’aucun autre commandement ; tandis que, pour la non-résistance, ils professent ouvertement qu’il ne faut pas prendre cette interdiction trop à la lettre ; qu’il ne faut pas toujours s’y conformer, et qu’il y a même des circonstances, des situations qui exigent juste le contraire, c’est-à-dire où l’on doit juger, guerroyer, exécuter. De sorte que, lorsqu’il est question du précepte de la non-résistance, c’est pour enseigner, le plus souvent, comment on doit ne pas s’y conformer. L’observance de ce précepte est, disent-ils, fort difficile ; c’est l’apanage de la perfection. Comment ne serait-il pas difficile à observer, en effet, puisque sa violation, loin d’être réprouvée, est, au contraire, encouragée ; puisqu’on bénit ouvertement les tribunaux, les prisons, les canons, les fusils, l’armée, les combats. Il n’est donc pas vrai que ce commandement soit reconnu comme les autres par les ministres de l’Église.

Ils ne le reconnaissent pas, tout simplement, mais, n’osant en convenir, ils cherchent à dissimuler cette manière de voir.