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de mort d’un homme, d’un deuxième, d’un troisième ; tu charges ton fusil contre cet homme qui doit périr pour le bien général, tu l’emprisonnes, tu lui prends ce qu’il possède. Tu dis que tu accomplis ces cruautés parce que tu fais partie de la société, de l’état, que tu as le devoir de les servir et, comme propriétaire, juge, empereur, soldat, de te conformer à leurs lois.

Mais, si tu appartiens à l’état et si cette position te crée des devoirs, tu appartiens aussi à la vie éternelle et à Dieu, ce qui t’impose aussi des devoirs. Et, comme tes devoirs de famille et de société sont soumis aux devoirs supérieurs de l’état, de même ces derniers doivent nécessairement être subordonnés à ceux qui te sont dictés par la vie éternelle et par Dieu. Et, comme il serait insensé d’abattre les poteaux des fils télégraphiques pour donner du combustible à une famille ou à une société et augmenter ainsi son bien-être, ce qui compromettrait les intérêts généraux, de même, il est insensé de violenter, d’exécuter, de tuer pour augmenter le bien-être de la nation, parce que cela compromet les intérêts de l’humanité.

Tes devoirs de citoyen ne peuvent pas ne pas être subordonnés aux obligations supérieures de la vie éternelle de Dieu et ne peuvent pas les contredire, comme l’ont dit, il y a dix-huit siècles, les disciples du Christ : « Jugez vous-mêmes s’il est juste devant Dieu de vous obéir plutôt qu’à Dieu » (Actes des Apôtres, IV, 19), et : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Actes des Apôtres, V, 29).

On t’affirme que tu dois, pour que l’ordre de chose instable, établi dans quelque coin du monde pour quelques hommes, ne soit pas détruit, commettre des violences qui détruisent l’ordre éternel et immuable établi par Dieu ou par la raison. Est-ce que c’est possible ?