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dans ton for intérieur, tu sais que ce n’est pas vrai, que l’organisation actuelle a fait son temps et qu’elle doit inévitablement être reconstituée sur de nouvelles bases, et que, par suite, rien ne t’oblige à la soutenir en sacrifiant les sentiments humains.

Même en admettant que cette organisation soit nécessaire, pourquoi crois-tu de ton devoir de la maintenir en foulant aux pieds les meilleurs sentiments ? Qui t’a placé comme bonne de cette organisation qui se désagrège ? Ni la société, ni l’état ; personne ne te l’a jamais demandé, à toi qui occupes la position de propriétaire, de négociant, de souverain, de prêtre et de soldat, — et tu sais fort bien que tu occupes ta situation nullement dans le but désintéressé de maintenir l’organisation de la vie nécessaire au bonheur des hommes, mais bien dans ton propre intérêt : la satisfaction de ta cupidité, de ta vanité, de ton ambition, de ta paresse et de ta lâcheté. Si tu ne désirais pas cette situation, tu ne ferais pas tout ce qu’il faut pour t’y maintenir. Essaie seulement de ne plus commettre les actes cruels, perfides et vils que tu ne cesses de commettre pour te maintenir dans ta position, et tu la perdras aussitôt. Essaie seulement, chef d’état ou fonctionnaire, de ne plus mentir, de ne plus participer aux violences et aux exécutions ; prêtre, de ne plus tromper ; militaire, de ne plus tuer ; propriétaire ou fabricant, de ne plus défendre ta propriété par la chicane et la violence, et tu perdras aussitôt la situation que tu prétends qu’on t’a imposée et qui semble te peser.

Il est impossible que l’homme soit mis contre sa volonté dans une situation contraire à sa conscience.

Si tu te trouves dans ta position, ce n’est pas parce que c’est nécessaire à qui que ce soit, mais simplement parce que tu le veux. C’est pourquoi, sachant que cette