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sant de l’obscurité vers la lumière, de la vérité inférieure à la vérité supérieure, de la vérité plus mêlée d’erreur à la vérité plus pure.

L’homme ne serait pas libre s’il ne connaissait aucune vérité, et il ne serait pas libre également et n’aurait même pas de notions de la liberté si la vérité lui était révélée dans toute sa pureté, sans mélange d’erreurs.

Mais l’homme n’est pas immobile vis-à-vis de la vérité, et toujours, à mesure qu’il avance dans la vie, la vérité lui est de plus en plus révélée, et il s’affranchit de plus en plus de l’erreur.

La liberté de l’homme ne consiste pas dans sa faculté d’agir indépendamment de la marche de la vie et des causes qui y influent, mais dans son pouvoir, en reconnaissant et en professant la vérité qui lui a été révélée, de devenir le libre et heureux artisan de l’œuvre éternelle accomplie par Dieu ou par l’humanité, ou, en fermant les yeux à cette vérité, de devenir son esclave et d’être entraîné péniblement là où il ne veut pas aller.

La vérité nous ouvre l’unique voie que puisse gravir l’humanité. C’est pourquoi les hommes suivront nécessairement, libres ou non, la voie de la vérité : les uns, de leur propre initiative, en accomplissant la mission qu’ils se sont imposée ; les autres, en se soumettant malgré eux à la loi de la vie. La liberté de l’homme est dans ce choix.

Cette liberté, dans des limites aussi étroites, semble aux hommes si insignifiante qu’ils ne la remarquent pas ; les uns, les déterministes, considèrent cette parcelle de liberté comme si peu de chose qu’ils ne la reconnaissent pas du tout ; d’autres — les défenseurs de la liberté complète — ayant en vue leur liberté imaginaire, dédaignent une liberté qui leur paraît si incomplète. Enfermée entre les limites de l’ignorance absolue de la vérité