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Que toutes ces modifications matérielles se réalisent, la situation de l’humanité n’en sera pas améliorée. Que chaque homme, dans la mesure de ses forces, suive personnellement la vérité qu’il connaît ou pour le moins ne défende pas le mensonge, et aussitôt, en cette année même de 1893, s’accompliraient des changements que nous n’osons pas rêver dans cent ans : l’affranchissement des hommes et l’établissement de la vérité sur la terre.

Ce n’est pas sans raison que l’unique parole dure et menaçante du Christ a été adressée aux hypocrites. Ce n’est pas le vol, le pillage, le meurtre, l’adultère, le faux, mais le mensonge, le mensonge spécial de l’hypocrisie, qui efface dans la conscience des hommes toute distinction entre le bien et le mal, qui les corrompt, qui les rend méchants et semblables à des bêtes fauves, qui les empêche de fuir le mal et de chercher le bien, qui leur enlève ce qui constitue le sens de la véritable vie humaine et, par suite, leur barre le chemin de toute perfection.

Les hommes qui ignorent la vérité et qui font le mal provoquent chez les autres la pitié pour leurs victimes et le dégoût pour eux, ils ne font du mal qu’à ceux qu’ils attaquent ; mais les hommes qui connaissent la vérité et qui font le mal sous le masque de l’hypocrisie, le font à eux-mêmes et à leurs victimes, et encore à des milliers et des milliers d’autres hommes, tentés par le mensonge qui cache ce mal.

Les voleurs, les assassins, les escrocs, qui commettent des actes reconnus mauvais par eux-mêmes et par tous les autres hommes, sont l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire et en dégoûtent les autres. Tandis que ceux qui commettent les mêmes vols, violences, meurtres, en les dissimulant par toutes sortes de justifications religieuses ou scientifiques, comme le font tous les propriétaires,