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avait pas dans ce sens l’influence des uns sur les autres, ce qui s’est passé à Orel aurait encore eu lieu. Si cette conscience était plus puissante encore, il est fort probable que le gouverneur et les troupes ne se seraient pas décidés même à abattre le bois et à le remettre au propriétaire, ou même que le gouverneur ne se serait pas rendu sur le théâtre de l’action, et que le ministre n’aurait pas pris cette décision, et que le souverain ne l’aurait pas confirmée.

Tout dépend par conséquent du degré de conscience de la vérité chrétienne.

Il semblerait donc que c’est sur le développement de cette conscience que doit être dirigée l’action de tous les hommes de notre époque qui disent souhaiter le bien-être humain.

Mais, chose étrange, les hommes qui, précisément, parlent plus que les autres de l’amélioration des conditions de la vie et qui sont considérés comme les éclaireurs de l’opinion publique, affirment que c’est là précisément ce qu’il ne faut pas faire et qu’il n’existe d’autres moyens plus efficaces pour améliorer la situation des hommes. Ils affirment que l’amélioration des conditions de la vie humaine résulte non pas des efforts moraux isolés ni de la propagation de la vérité, mais de modifications progressives des conditions générales et matérielles de la vie et que, par suite, les efforts de chaque individu isolé doivent être dirigés en ce sens, tandis que toute confession individuelle de la vérité contraire à l’ordre de choses existant, loin d’être utile, est nuisible parce qu’elle provoque, de la part du pouvoir, une opposition qui empêche l’individu isolé de continuer son action utile à la société. D’après cette thèse, toutes les modifications de la vie humaine se produisent selon les mêmes lois que celles qui régissent la vie des animaux.