C’est sur ce mensonge de l’inégalité des hommes et sur l’enivrement de pouvoir et de servilité qui en résulte, que repose surtout la faculté des hommes formés en organisation sociale, de commettre sans remords des actes contraires à leur conscience.
Sous l’influence de cet enivrement, les hommes se croient des êtres particuliers — nobles, négociants, gouverneurs, juges, officiers, souverains, ministres, soldats, — qui n’ont plus de devoirs humains ordinaires, mais avant tout les devoirs de la classe à laquelle ils appartiennent.
Ainsi, le propriétaire foncier qui a fait le procès relatif à la forêt a agi parce qu’il se croyait non pas un homme comme les paysans, ses voisins, ayant les mêmes droits de vivre, mais un grand propriétaire, un membre de la noblesse et, par suite, sous l’influence de l’enivrement du pouvoir, il se sentait offensé par les réclamations des paysans. Ce n’est qu’à cause de cela que, malgré les conséquences que cela pouvait avoir, il a présenté une requête pour être réintégré dans ses prétendus droits. De même les juges qui ont attribué injustement la propriété de la forêt au propriétaire, ne l’ont fait que parce qu’ils ne se croient pas des hommes comme les autres, qui doivent se laisser guider seulement par la vérité, mais sous l’influence de l’enivrement du pouvoir, ils se croient les représentants d’une justice qui ne peut pas se tromper, et en même temps, sous l’influence de la servilité, ils se croient obligés d’appliquer certains textes d’un certain livre appelé le code. De même toutes les autres personnes qui ont participé à cette affaire, depuis les représentants de l’autorité supérieure jusqu’au dernier soldat prêt à tirer maintenant sur ses frères, se croient aussi des personnages conventionnels. Aucun d’entre eux ne se demande s’il doit par-