Page:Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/331

Cette page a été validée par deux contributeurs.

toujours dans toute société, prêcher n’importe quelle doctrine morale dans cette société où on reconnaît ouvertement que la torture et l’homicide constituent la condition indispensable de l’existence des hommes, et qu’au milieu de nous doivent toujours se trouver des êtres à part prêts à tuer leurs frères et à qui chacun de nous peut devenir pareil.

Comment donc enseigner aux enfants, aux adolescents, à tous en général, sans parler même de l’instruction chrétienne, quelque doctrine morale, à côté de celle qui prêche que le meurtre est nécessaire pour maintenir le bien-être général et que, par cela même, légitimement, il y a des hommes (dont nous pourrions être) qui sont obligés de violenter et de tuer leurs semblables, par la volonté de ceux qui détiennent le pouvoir ? Si une pareille doctrine est possible, il n’y a pas et ne peut y avoir aucune doctrine morale, il n’y a que le droit du plus fort. En réalité, cette doctrine, justifiée pour certains par la théorie de la lutte pour l’existence, règne dans notre société.

En effet, comment une doctrine morale peut-elle admettre la nécessité du meurtre dans n’importe quel but ? C’est aussi inadmissible qu’une théorie mathématique qui admettrait que deux est égal à trois. La reconnaissance comme sacrée de la vie de tout homme est la première et la seule base de toute morale.

La doctrine œil pour œil, dent pour dent et vie pour vie est précisément rapportée par le christianisme parce qu’elle n’est que la justification de l’immoralité et n’est qu’un semblant d’équité sans aucun sens. La vie est une valeur qui n’a ni poids ni mesure et qui ne peut être comparée à aucune autre et, par suite, l’anéantissement de la vie pour la vie n’a aucun sens. En outre,