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Et cependant, s’il est vrai que c’est par les menaces, les coups ou l’assassinat que le revenu du moulin d’Orel a été augmenté et que les forêts cultivées par les paysans sont livrées au propriétaire oisif, il est également vrai que tous les autres privilèges exceptionnels dont jouissent les riches, en privant les pauvres du nécessaire, sont basés sur les mêmes causes.

Si ceux qui ont besoin de terre pour nourrir leur famille ne peuvent cultiver celle qui entoure leurs maisons, et si un seul homme, quel qu’il soit, Russe, Anglais, Autrichien ou n’importe quel grand propriétaire ne cultivant pas lui-même, en possède une étendue capable de nourrir mille familles ; si le riche marchand, profitant de la misère du cultivateur, peut acheter le blé au tiers de sa valeur et, sans encourir une punition, le conserver dans ses magasins au milieu de gens affamés à qui il le revend trois fois ce qu’il vaut, il est visible que tout cela provient de la même cause.

Et si on ne peut acheter certains produits, à cause d’une ligne de démarcation qu’on appelle la frontière, sans payer des droits de douane à des gens qui n’ont pris aucune part à la production de ces marchandises ; si les malheureux doivent vendre leur dernière vache pour payer les impôts que le gouvernement distribue à ses fonctionnaires ou qu’il emploie à nourrir des soldats chargés de tuer ces mêmes imposés, il semblerait évident que tout cela n’est pas la conséquence de quelque principe abstrait, mais résulte de la même cause que ce qui est arrivé à Orel, que ce qui aurait pu avoir lieu maintenant dans le gouvernement de Toula et qui se présente périodiquement, sous une forme ou sous une autre, dans le monde entier, partout où il y a un gouvernement et où il y a des riches et des pauvres.

Les hommes qui jouissent des privilèges des classes