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darme — pour gêner les hommes. Et, comme les hommes qu’ils gênent s’adressent à eux avec la prière de ne pas les gêner, il leur semble qu’ils sont très nécessaires.

Mais le temps viendra — il vient — où tout le monde comprendra clairement que ces autorités sont absolument inutiles, ne font que gêner, où les hommes qu’ils gênent leur diront, comme celui de tout à l’heure, avec autant de douceur et de calme : « Ne nous gênez pas, je vous prie. » Et tous ces envoyés et envoyeurs seront forcés de suivre ce bon conseil, c’est-à-dire de cesser de caracoler au milieu des hommes le poing sur la hanche et de les gêner ; mais, en descendant de leurs beaux chevaux et en ôtant toute leur ferraille, ils viendront écouter ce qui se dit et, se joignant aux autres, rentreront dans la vie véritable.

Le temps vient où toutes les institutions basées sur la violence disparaîtront par suite de leur inutilité, de leur stupidité, et même de leur inconvenance évidente.

Ce temps sera venu quand il arrivera aux hommes de notre société qui occupent des situations créées par la violence, ce qui est arrivé au roi, dans le conte d’Andersen intitulé : Le nouvel habit royal, lorsque l’enfant, ayant aperçu le roi nu, a crié naïvement : « Regardez, il est nu ! » Alors tous ceux qui le voyaient aussi, mais ne le disaient pas, n’ont pas pu ne pas le reconnaître.

Il s’agit dans ce conte d’un roi très amateur de vêtements nouveaux et à qui des tailleurs ont promis un habit extraordinaire, un habit dont l’étoffe a cette propriété particulière de rester invisible à quiconque n’est pas apte à la fonction qu’il occupe. Les courtisans qui viennent suivre le travail des tailleurs ne voient rien, car les tailleurs poussent leurs aiguilles dans le vide. Mais, en se souvenant de la propriété de cette étoffe, tous disent qu’ils la voient et s’extasient sur sa beauté. Le