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qui abandonnent leurs richesses, — la même chose arrivera fatalement aux autres gouvernants, aux autres militaires, juges, prêtres, publicains et riches. Et, lorsqu’il n’y aura plus d’hommes qui veuillent occuper ces situations, ces situations elles-mêmes basées sur la violence disparaîtront.

Mais ce n’est pas par cette seule voie que l’opinion publique conduit les hommes à la suppression de l’ordre de choses actuel et à son remplacement par un nouveau. À mesure que les situations basées sur la violence deviennent moins séduisantes et moins ambitionnées, leur inutilité devient plus évidente.

Nous voyons toujours, dans le monde chrétien, les mêmes gouvernants et les mêmes gouvernements, les mêmes armées, les mêmes tribunaux, les mêmes impôts, le même clergé, les mêmes riches, propriétaires fonciers, industriels, capitalistes, mais leur situation vis-à-vis les uns des autres n’est plus la même. Les mêmes chefs d’état ont les mêmes entrevues, les mêmes rencontres, les mêmes fêtes, le même apparat ; les mêmes diplomates ont les mêmes conversations sur les alliances et sur les guerres ; les mêmes parlements discutent les mêmes questions d’Orient et d’Afrique, et les cas de guerre, et le Home Rule, et la journée de huit heures ; toujours les mêmes changements de ministères, les mêmes discours, les mêmes incidents, mais pour ceux qui s’aperçoivent comment un article de journal change parfois la situation plus que des dizaines d’entrevues de monarques et de sessions parlementaires, apparaît de plus en plus nettement que ce ne sont pas ces entrevues et ces débats parlementaires qui dirigent les affaires, mais quelque chose d’indépendant de tout cela et qui ne réside nulle part.