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ces questions à des institutions gouvernementales ou à l’opinion publique. Tous leurs devoirs se réduisent à être les représentants de l’unité et de sa puissance. Et même ce devoir, ils l’accomplissent de moins en moins bien. La plupart des chefs d’états, non seulement ne gardent pas leur ancienne majesté inabordable, mais se démocratisent au contraire de plus en plus et même « s’encanaillent » en déposant leur dernier prestige, c’est-à-dire en détruisant justement ce qu’ils sont appelés à maintenir.

Il en est de même des militaires. Le haut fonctionnaire militaire, au lieu d’encourager dans les soldats la grossièreté et la férocité nécessaires à leur œuvre, répand lui-même l’instruction dans l’armée, prêche l’humanité et souvent même, partageant les convictions socialistes des masses, nie l’utilité de la guerre. Dans le dernier complot contre le gouvernement russe, beaucoup des affiliés étaient des militaires.

Il arrive souvent (tout récemment encore) que l’armée, appelée pour rétablir l’ordre, refuse de tirer sur la population. Les allures de caserne sont franchement réprouvées par les militaires eux-mêmes, qui en font souvent l’objet de leurs railleries.

Il en est de même pour les juges : obligés de juger et de condamner les criminels, ils conduisent les débats de façon à les innocenter le plus possible, de sorte que le gouvernement russe, pour obtenir la condamnation de ceux qu’il veut punir, confie toujours ces affaires non à des tribunaux ordinaires, mais à la cour martiale, qui n’est qu’une parodie de la justice. Les procureurs mêmes renoncent souvent à requérir et, contournant la loi, défendent parfois ceux qu’ils ont mission de charger.

Des jurisconsultes savants, dont le devoir est de justifier la violence du pouvoir, nient de plus en plus le