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Sans parler des professions déjà méprisées telles que celles d’espion, d’agent de la police secrète, d’usurier, de cabaretier, il en est un grand nombre, jadis considérées, comme celles de policiers, de courtisans, de juges, de fonctionnaires administratifs, ecclésiastiques ou militaires, d’entrepreneurs, de banquiers, qui sont aujourd’hui regardées par tous comme peu enviables et même réprouvées par les personnes les plus estimées. On rencontre déjà des hommes qui abandonnent volontairement ces fonctions autrefois enviées, pour des situations moins lucratives, mais qui ne sont pas liées à la violence.

Ce ne sont pas seulement des fonctionnaires qui renoncent à leurs privilèges, mais aussi des particuliers riches. On en voit qui, obéissant déjà à l’influence de l’opinion publique naissante et non, comme autrefois, à un sentiment religieux, abandonnent des biens qui leur sont échus par héritage, ne considérant comme juste que la jouissance de ceux acquis par le travail.

Les jeunes gens les mieux doués, à l’âge où, n’étant pas encore corrompus par la vie, ils choisissent leur carrière, préfèrent les professions laborieuses de médecin, d’ingénieur, de professeur, d’artiste, d’écrivain, ou même simplement de propriétaire rural vivant de son travail, à la situation de juge, d’administrateur, de prêtre, de militaire payés par le gouvernement, ou à celle des hommes qui vivent de leurs rentes. La plupart des monuments sont élevés aujourd’hui, non plus à des hommes d’État, à des généraux et encore moins à des riches, mais à des artistes savants, inventeurs, à des hommes qui, loin d’avoir quelque chose de commun avec le gouvernement, ont souvent lutté contre lui. Ce sont eux surtout que la poésie et les arts glorifient.