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l’organisation de la vie chrétienne, empêche au contraire l’organisation sociale d’être ce qu’elle devrait et pourrait être. Elle est ce que nous la voyons, non pas grâce aux violences, mais malgré les violences.

C’est pourquoi les défenseurs de l’ordre de choses actuel se trompent lorsqu’ils disent que, si la violence suffit à peine pour nous préserver des éléments mauvais et non chrétiens de l’humanité, son remplacement par l’influence morale de l’opinion publique nous laisserait absolument sans défense contre eux.

C’est inexact, parce que la violence ne protège point l’humanité, mais au contraire la prive de la seule protection possible : la diffusion du principe chrétien.

« Mais comment supprimer la protection visible du sergent de ville armé, pour se confier à quelque chose d’insaisissable : l’opinion publique ? Existe-t-elle seulement ? Et puis, l’ordre de choses actuel, nous le connaissons ; bon ou mauvais, nous en savons les défauts et nous y sommes habitués. Nous savons comment nous conduire et ce que nous avons à faire dans les circonstances actuelles ; mais qu’arrivera-t-il quand nous renoncerons à cette organisation et que nous nous confierons à quelque chose de tout à fait inconnu ? »

Les hommes redoutent cet inconnu dans lequel ils entrent en renonçant à l’organisation actuelle connue de la vie. Sûrement il est bon d’avoir peur de l’inconnu quand notre situation connue est bonne et assurée, mais ce n’est pas le cas et nous savons, à n’en pas douter, que nous touchons à l’abîme.

S’il faut avoir peur, ayons peur de ce qui est vraiment redoutable et non de ce que nous soupçonnons seulement être redoutable.

Craignant de faire un effort pour nous arracher à un ordre de choses qui nous perd, — uniquement, parce que