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la conséquence de l’opinion publique ; car, au contraire, les peuples qui ont été forcés à embrasser la religion des vainqueurs y sont restés réfractaires.

Le même fait se reproduit en ce qui concerne les éléments sauvages qui vivent au milieu de nous : ni l’augmentation ni la diminution des sévérités pénales, ni les modifications apportées à l’emprisonnement, ni le renforcement de la police ne diminuent ni n’augmentent le nombre des crimes ; ils diminuent seulement à la suite de l’évolution des mœurs. Aucune sévérité n’a fait disparaître les duels et les vendetta. Malgré le nombre de Tcherkess exécutés pour vols, ils continuent à voler par gloriole, parce qu’aucune jeune fille n’épouserait un Tcherkess qui n’ait montré sa hardiesse en volant un cheval ou au moins un mouton. Si les hommes de notre société cessent de se battre en duel et le Tcherkess de voler, ce ne sera pas par crainte du châtiment, mais parce que les mœurs se modifieront. De même pour les autres crimes. La violence ne pourra jamais faire disparaître ce qui est entré dans les mœurs. Par contre, il suffirait que l’opinion publique s’opposât franchement à la violence, pour la rendre impossible.

Qu’adviendrait-il si on n’employait pas la violence contre les ennemis de l’extérieur et contre les éléments criminels de la société ? Nous ne le savons pas. Mais nous savons par une longue expérience que l’emploi de la violence n’a réduit ni les uns ni les autres.

Comment, en effet, soumettre par la force les peuples que leur éducation, leurs traditions, leur religion même amènent à voir la plus haute vertu dans la lutte contre les oppresseurs et dans l’amour de la liberté ? Et comment supprimer par la violence, dans notre société, des actes considérés comme crimes par les gouvernements et comme exploits par l’opinion publique ?