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hommes, pour qu’ils abandonnent volontairement le pouvoir et la richesse et que personne ne veuille en profiter, il faut que tous ceux qui sont grossiers, demi-barbares, absolument incapables de s’assimiler le christianisme, toujours très nombreux dans toute nation chrétienne, se convertissent. Plus encore, tous les peuples sauvages et en général non-chrétiens, qui sont encore si nombreux, devraient également devenir chrétiens. Si donc on admettait que cette christianisation de tous les hommes pût s’accomplir un jour, à en juger d’après la marche de cette œuvre pendant dix-huit cents ans, cela n’arriverait que dans plusieurs fois dix-huit cents ans ; aussi est-il impossible et inutile de penser supprimer à présent le pouvoir, il faut seulement chercher à le confier aux mains les meilleures. »

Ce raisonnement serait fort juste si le passage d’une conception de la vie à une autre s’accomplissait seulement à l’aide de l’évolution de chaque homme isolément et à son tour, reconnaissant la vanité du pouvoir et arrivant à la vérité chrétienne par la voie intérieure.

Cette évolution s’accomplit en effet, mais les hommes ne deviennent pas chrétiens par cette seule voie intérieure, mais encore par un moyen extérieur qui supprime la lenteur de ce passage.

Ce passage ne se fait pas comme celui du sable dans le sablier, grain par grain, mais plutôt comme celui de l’eau pénétrant dans un vase immergé, qui tout d’abord la laisse entrer d’un côté, lentement, puis, par suite du poids acquis, s’enfonce rapidement et se remplit presque d’un coup.

La même chose arrive aux sociétés lors du passage d’une conception à une autre et, par suite, d’une organisation à une autre. Ce n’est qu’au début que les hommes