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Non seulement des individus isolés, mais des groupes d’hommes, des peuples entiers accomplissent la même évolution.

Les avantages du pouvoir et de tout ce qu’il procure, les avantages de la richesse, des honneurs, du luxe sont le but de l’activité humaine tant qu’ils ne sont pas atteints, mais aussitôt que l’homme y est parvenu, il s’aperçoit de leur vanité. Ces avantages perdent peu à peu leur séduction, comme les nuages qui n’ont de forme et d’éclat que vus de loin.

Les hommes qui ont acquis le pouvoir et la richesse, parfois eux-mêmes, mais le plus souvent leurs héritiers, cessent déjà d’être aussi avides de pouvoir et n’emploient plus de moyens aussi cruels.

Ayant compris par l’expérience la vanité des fruits de la violence, les hommes perdent, parfois après une génération, parfois après plusieurs, les vices acquis par la passion du pouvoir et de la richesse, et, devenus moins cruels, ils ne sont plus capables de défendre leur situation et sont éloignés du pouvoir par d’autres hommes moins chrétiens, plus méchants, et retournent à la situation inférieure au point de vue matériel, mais supérieure moralement, en élevant ainsi le niveau moyen de la conscience chrétienne de tous les hommes. Mais aussitôt après, les éléments plus mauvais, plus grossiers, les moins chrétiens de la société, montent et subissent le même processus, et de nouveau après une ou plusieurs générations, ayant reconnu la vanité des fruits de la violence et s’étant imprégnée du christianisme, ils retournent parmi les opprimés, remplacés par de nouveaux oppresseurs, toujours moins grossiers que les précédents. De sorte que, quoique le pouvoir reste le même dans sa forme extérieure, à chaque changement des hommes qui l’occupent, le nombre de ceux qui, par